IR35
La réforme proposée de l’IR35 représente le plus grand changement apporté à la taxe à l’emploi depuis des décennies.

Introduction

Jusqu’à présent, les entreprises pouvaient embaucher des prestataires ayant recours à des sociétés de services personnels (ou à d’autres intermédiaires) sans avoir besoin de penser au statut du prestataire individuel à des fins fiscales. Le transfert de responsabilité envisagé concernant l’application du système PAYE (pour « Pay As You Earn », le système britannique d’imposition à la source sur les salaires) et des contributions sociales, qui passe des sociétés de services personnels aux clients finaux, signifie que toutes les entreprises doivent revoir la façon dont elles embauchent des prestataires en prévision d’avril 2021.

La réforme devait normalement être mise en place à partir d’avril 2020 mais le government a annoncé le 17 mars 2020 qu’il repoussait l’entrée en vigueur des nouvelles mesures à cause de la pandémie du Coronavirus. Bien que cette annonce soit un soulagement pour les entreprises et les prestataires de service, beaucoup auront déjà effectué de nombreuses démarches en vu d’une mise en place au 6 avril 2020 et devront considerer s’ils doivent revoir leur position pour l’année qui vient.

Sommaire

Qu'est-ce que l'IR35?

L’IR35 est une règle de lutte contre l’évitement fiscal visant à combattre les « emplois déguisés » dans le cas où un prestataire indépendant fournirait des services personnels (à savoir, exercerait sa propre activité) par l’intermédiaire de sa propre société (par exemple, une société de services personnels ou un partneriat, désignées ensemble « PSC », pour « Personal Services Company ») à un client final.

L’IR35 s’applique lorsque le prestataire serait un employé à des fins fiscales, s’il avait été directement embauché par le client final. Si l’IR35 s’applique, le système PAYE/les contributions sociales doivent être appliqués en tenant compte des frais versés à la PSC.

Conformément aux dispositions actuelles (avant avril 2021) de l’IR35, le prestataire est tenu de déterminer si l’IR35 s’applique et, le cas échéant, de gérer le système PAYE et d’appliquer les contributions sociales à partir des frais versés à la PSC (hors TVA) moins certaines déductions légales.

Quels sont les changements apportés à l’IR35 ?

En raison des craintes de l’administration fiscale et douanière britannique, HMRC, liées au non-respect de l’IR35 par les prestataires, des projets ont été mis en place pour réformer cette règle dans le secteur privé à compter d’avril 2021. L’IR35 avait déjà été reformée dans le secteur public en avril 2017.

Dans le cadre des réformes, la responsabilité liée à la question de savoir si l’IR35 s’applique ou non et à l’application du système PAYE/des contributions sociales (dans le cas où un prestataire serait considéré comme un employé à des fins fiscales) passera du prestataire au client final. Cela s’appliquera à tous les paiements versés le 6 avril 2021 ou après cette date, sauf dans le cas où tout le travail du prestataire aurait été effectué avant cette date.

HMRC prévoit que le respect de l’IR35 devienne plus facile à contrôler à la suite de ces réformes. Il est également attendu que les clients finaux adoptent une approche plus conforme en ce qui concerne les évaluations en vertu de l’IR35 et qu’ils soient plus enclins à conclure que les prestataires sont concernés, ce qui entraînera une augmentation de l’impôt et des contributions sociales.

Présentation du nouveau processus

Le client final est tenu de déterminer si le prestataire est un employé ou un travailleur indépendant à des fins fiscales. Le client final doit exercer un degré de soin raisonnable lorsqu’il procède à cette détermination et confirmer sa décision en indiquant les raisons de cette dernière dans une Déclaration de qualification du statut (ou « SDS », pour « Status Determination Statement »).

Le client final doit fournir la SDS au prestataire et à la PSC avant de verser le premier paiement au prestataire. Si une agence est impliquée (voir ci-dessous), la SDS doit également lui être fournie. Dans la pratique, nous prévoyons que les prestataires acceptant une nouvelle mission voudront connaître les conclusions de la SDS avant le début de la mission en question, qu’ils soient déterminés comme concernés par l’IR35 ou non.

Le client final est tenu de disposer d’une procédure de règlement des litiges afin de permettre au prestataire de contester la décision. Il est peu probable qu’un prestataire conteste une SDS concluant qu’il n’est pas couvert par l’IR35. Cependant, il est possible que HMRC étudie la qualification, c’est pourquoi il est important que la SDS indique avec suffisamment de détails les raisons ayant conduit à cette décision, prouvant ainsi qu’un degré de soin raisonnable a été exercé.

Si l’évaluation conclut que le prestataire n’est pas couvert par l’IR35, la PSC peut continuer à recevoir une rémunération brute. Cependant, s’il est conclu que le prestataire est couvert par l’IR35, l’entité payant la PSC (l’« entité payant les frais ») est tenue d’appliquer le système PAYE et de déduire les contributions sociales de l’employé des frais qu’elle verse à la PSC (hors TVA). L’entité payant les frais doit également payer les contributions sociales de l’employeur et, le cas échéant, sa taxe sur l’apprentissage.

Si une agence britannique est impliquée

Si une agence britannique est impliquée et que cette dernière fournit le prestataire par l’intermédiaire d’une PSC, la situation est différente. L’agence est l’« entité payant les frais » dans la mesure où il s’agit de la partie qui rémunère la PSC. En sa qualité d’« entité payant les frais », l’agence sera dans l’obligation d’appliquer le système PAYE/les contributions sociales ainsi que de payer les contributions sociales de l’employeur et, le cas échéant, sa taxe sur l’apprentissage.

Cependant, le client final reste tenu de produire une SDS et de proposer une procédure de règlement des litiges. La SDS doit être fournie à l’agence ainsi qu’au prestataire, et l’agence doit être autorisée à faire appel de la décision prise dans le cadre de l’évaluation.

HMRC a le pouvoir de transférer la responsabilité liée au système PAYE/aux contributions sociales de l’agence au client final dans le cas où ce dernier ne respecterait pas ses obligations (p. ex., s’il ne fournit pas de SDS avant de procéder au versement du premier paiement) ou dans le cas où il n’existerait aucune perspective réaliste de recouvrement auprès de l’agence dans un délai raisonnable.

Des règles plus complexes existent pour les agences offshore. En cas de doute, veuillez nous consulter pour obtenir des conseils.

Qu’est-ce qui ne change pas?

L’IR35 est une règle fiscale. De manière générale, elle ne modifie pas le statut du prestataire aux fins du droit du travail.

En outre, bien que l’IR35 change, il est toujours légitime pour les prestataires d’avoir recours à des PSC. Cela ne constitue pas un cas de fraude fiscale.

Quels sont les clients finaux concernés?

Sous réserve des dispositions relatives à la lutte contre l’évitement fiscal, les « petits » clients finaux du secteur privé ne seront pas concernés par les nouvelles règles et ne seront pas tenus de déterminer si l’IR35 s’applique ou non. Au lieu de cela, les règles actuelles continueront à s’appliquer : le prestataire restera tenu de déterminer si l’IR35 s’applique et la PSC pourra toujours recevoir une rémunération brute.

Les clients finaux professionnels n’appartenant pas à un groupe d’entreprises seront considérés comme des « petits » clients au cours de leur premier exercice et continueront à être considérés comme tels jusqu’à ce qu’ils ne le soient plus. Pour devenir des moyennes ou grandes entreprises, les petites entreprises devront réunir au moins deux des conditions suivantes pendant deux exercices consécutifs:

  • un chiffre d’affaires annuel supérieur à 10,2 millions GBP ;
  • un bilan total supérieur à 5,1 millions GBP ; ou
  • plus de 50 employés.

Si au moins deux de ces conditions sont remplies, la société devra appliquer les règles de l’IR35 à compter du début de l’année fiscale suivant la date de dépôt comptable et pendant le deuxième exercice. Si la petite entreprise fait partie d’un plus grand groupe de sociétés, le chiffre d’affaires et les recettes du groupe devront être pris en compte et nous vous invitons à nous contacter pour obtenir des conseils.

Les « clients finaux » non professionnels seront considérés comme « petits » pendant une année fiscale si leur chiffre d’affaires annuel au cours de l’exercice se terminant au moins 9 mois avant le début de l’année fiscale concernée s’élevait à 10,2 millions GBP au maximum.

Quels sont les prestataires concernés ?

Les changements concernent les prestataires individuels utilisant une PSC pour fournir leur travail. Les prestataires ne seront pas concernés par l’IR35 s’ils fournissent directement leur travail aux clients finaux, sans passer par une PSC (p. ex., en tant qu’entrepreneur individuel).

De même, les prestataires n’étant pas des résidents fiscaux au Royaume-Uni et fournissant leurs services exclusivement en dehors du Royaume-Uni ne sont pas concernés. S’ils fournissent certains services au Royaume-Uni, alors les règles sont plus complexes et nous vous invitons à nous contacter pour obtenir des conseils.

L’IR35 s’applique à l’offre de travail et non à la prestation de services. Par conséquent, les services entièrement externalisés ne sont pas concernés. Par exemple, si une société externalise entièrement son service d’assistance informatique ou de restauration à un tiers, elle n’est pas tenue de déterminer si l’IR35 s’applique à l’un quelconque des prestataires travaillant pour le tiers en question.

Comment procéder à la qualification du statut

Les clients finaux sont légalement tenus de faire preuve d’un « degré de soin raisonnable » lorsqu’ils procèdent à la qualification du statut. Ils ont l’obligation de déterminer ce que le statut du prestataire à des fins fiscales serait si ce dernier avait été directement embauché par le client final sans passer par une PSC.

Pour cela, ils doivent tenir compte d’un certain nombre d’éléments, notamment :

  • Dispositifs de contrôle et ententes professionnelles – Quel est le degré de contrôle du client final sur les horaires et le lieu de travail du prestataire ? Le client final peut-il diriger la façon dont le prestataire travaille, ou est-il très qualifié/spécialisé ? Le client final peut-il affecter le prestataire à d’autres projets ?
  • Remplacement – Le prestataire peut-il envoyer un suppléant ? L’a-t-il déjà fait ? Le client final peut-il refuser le suppléant ?
  • Réciprocité des obligations – Le prestataire ou le client final ont-ils pris un engagement contraignant à fournir/proposer du travail ?
  • Intégration au sein de l’entreprise – À quel point le prestataire est-il impliqué dans l’entreprise et sa gestion ? Comment se présenterait-il à des clients : comme travaillant pour le compte du client final ou pour son propre compte ?
  • Exercer des activités pour son propre compte – Le prestataire prend-il des risques financiers importants ? A-t-il besoin de débourser des sommes d’argent considérables pour son équipement ou ses outils ?
  • Autres éléments – Par exemple, le client final impose-t-il des limitations au sujet des autres missions qu’il peut effectuer ? Le contrat occupe-t-il la majeure partie du temps du prestataire ? Le prestataire a-t-il déjà travaillé pour la société par le passé ?

La SDS ne sera valide que si elle indique les raisons de la décision. Elle doit être fournie au prestataire avant de le payer.

La déclaration de qualification du statut doit être renouvelée si la mission du prestataire est prolongée pour une longue durée (nous pensons qu’elle doit l’être tous les 12 mois, même s’il n’y a pas d’instructions précises à ce sujet) ou si la situation évolue.

Outil CEST de HMRC

Le CEST (l’outil de vérification du statut professionnel à des fins fiscales « Check Employment Status for Tax ») de HMRC est un outil en ligne permettant de déterminer si un prestataire serait considéré comme un employé à des fins fiscales s’il était embauché directement. Le CEST a été revu en novembre 2019 après que des critiques ont indiqué qu’il n’était pas adapté à son usage prévu, mais il a toujours des défauts. En particulier, il ne parvient toujours pas à déterminer s’il existe une « réciprocité des obligations » suffisante dans le cadre de la relation entre le client final et le prestataire, ce qui est l’une des conditions nécessaires pour établir une relation d’employeur/salarié (pour HMRC, cette condition est inévitablement présente). En outre, le CEST ne donne pas de résultat dans une importante minorité des cas.

Le client final n’est pas tenu d’utiliser le CEST. Cependant, cet outil permet de mettre en évidence les principaux problèmes qui préoccupent HMRC en ce qui concerne le statut à des fins fiscales. Il présente également un avantage considérable, à savoir que dès lors que les informations saisies sont exactes et tenues à jour par le client final, HMRC est liée par le résultat obtenu. Cependant, veuillez noter que le client final doit assumer la responsabilité d’utiliser l’outil CEST. Une évaluation effectuée directement par le prestataire en utilisant l’outil CEST n’est pas contraignante pour HMRC.

Par conséquent, nous pensons que dans la majorité des cas, il est important que l’outil CEST soit utilisé en premier lieu. Cependant, les clients finaux sont toujours tenus de procéder à une qualification du statut, même dans le cas où le CEST ne donnerait pas de résultat. Cela signifie qu’au moins dans certains cas, les entreprises doivent mettre en place un moyen supplémentaire de procéder à la qualification du statut.

Le processus de règlement des litiges

Quand ces réformes de l’IR35 ont été mentionnées pour la première fois, il a été envisagé que HMRC fournisse une procédure pour vérifier les décisions liées à l’IR35.

Cependant, la législation proposée dispose qu’il incombe au client final de proposer un processus de règlement des litiges.

Si un prestataire estime que la décision du client final liée à l’IR35 est incorrecte :

  • Il peut adresser une déclaration au client final
  • Le client final aura ensuite 45 jours pour étudier la déclaration en question et soit :
  • indiquer à la personne que la qualification initiale de leur statut était correcte ; soit
  • émettre une nouvelle déclaration de qualification de statut annulant la précédente.

Le client final doit indiquer les raisons de sa décision.

Impact de la réforme de l’IR35 en matière de coûts

Si l’IR35 s’applique, le système PAYE et les contributions sociales de l’employé doivent être déduits des frais versés à la PSC (hors TVA). Bien que les prestataires soient dans tous les cas tenus de payer des impôts, l’IR35 leur fait perdre l’avantage de trésorerie découlant du recours à une PSC. En outre, la situation du prestataire sera probablement moins favorable en termes réels, notamment parce que les règles actuelles généreuses concernant les dépenses en vertu de l’IR35 sont retirées dans le cadre de cette réforme.

De plus, si l’IR35 s’applique, l’« entité payant les frais » doit payer les contributions sociales de l’employeur et la taxe sur l’apprentissage sur les frais versés à la PSC. Cela correspond à un coût supplémentaire d’environ 14 %. Ces coûts ne peuvent pas être répercutés sur la PSC (même s’il pourrait être possible, en fonction des conditions contractuelles, de renégocier les frais versés à la PSC afin de garantir que les coûts nets n’augmentent pas).

Si le client final engage le prestataire par l’intermédiaire d’une agence, alors l’agence sera tenue d’appliquer le système PAYE/les contributions sociales et la taxe sur l’apprentissage, même s’il est probable qu’elle négocie un remboursement de la part du client final.

Processus et documentation

Le client final doit mettre en place des processus et contrôles solides afin d’identifier et d’enregistrer les occasions où il est fait appel à des prestataires (y compris ceux trouvés par l’intermédiaire d’une agence). Le client final devra également avoir des politiques claires (et dûment communiquées) en ce qui concerne l’embauche de prestataires afin de garantir que les pouvoirs adéquats soient conférés avant l’embauche de tout prestataire.

En outre, le client final a besoin d’une méthode claire et cohérente aux fins de la qualification du statut des personnes, notamment dans les cas où la vérification du statut professionnel à des fins fiscales (CEST) ne donnerait pas de résultat. Le client final devra s’assurer que ses déclarations liées à la qualification de statut contiennent les raisons de la décision prise.

Les contrats et accords de travail conclus avec des agences ou d’autres intermédiaires doivent également refléter la situation concernant l’IR35 :

  • Les stipulations du contrat conclu avec le PSC ne doivent pas contredire la base de la qualification de statut effectuée par le client final (par exemple en ce qui concerne la question de savoir si le prestataire doit effectuer la mission en personne ou s’il peut envoyer un suppléant).
  • Le client final doit se réserver le droit de déduire le PAYE et les contributions sociales (immédiatement si l’IR35 s’applique, ultérieurement si la situation change ou en attendant toute contestation de la décision liée au statut).
  • Le contrat doit inclure des garanties fiscales et des clauses d’indemnisation claires.

Si le client final est également l’« entité payant les frais » (à savoir, si aucune agence britannique ni aucun intermédiaire n’est impliqué), le client final devra également adapter ses systèmes de paie et de comptes créditeurs afin qu’ils soient conformes à l’IR35. Pour les prestataires concernés par l’IR35, le système de paie doit appliquer le PAYE/les contributions sociales aux frais hors TVA, tandis que le système de comptes créditeurs doit payer la TVA sur les frais bruts. Le système doit également respecter les conditions convenues avec le PSC en ce qui concerne le moment où les factures sont payées.

Les contrats et accords de travail conclus avec des agences ou d’autres intermédiaires doivent également refléter la situation concernant l’IR35 :

  • Sera-t-il interdit à l’agence de fournir des travailleurs individuels par l’intermédiaire de PSC ou devra-t-elle simplement informer le client final à l’avance dans une telle situation ?
  • Est-elle autorisée à répercuter l’intégralité des coûts liés à l’application du système PAYE/des contributions sociales et de la taxe sur l’apprentissage sur le client final ?
  • Les agences devront fournir des informations pour aider le client final avec la déclaration de qualification de statut.
  • Le client final devra communiquer le résultat de la qualification de statut à l’agence et veillera toujours à le faire par écrit.
  • Les agences devront transmettre la déclaration à l’entité avec laquelle ils ont conclu le contrat.

Autres solutions pour les offres de main-d’œuvre n’impliquant aucune PSC

Bien qu’il ne soit pas illégal de continuer à embaucher des prestataires par l’intermédiaire d’une PSC, les dispositions de l’IR35 entraînent une charge administrative importante pour le client final. Parmi les autres solutions d’embauche n’impliquant pas de PSC (ce qui permet d’éviter que l’IR35 s’applique), on compte :

  • Le fait d’embaucher le prestataire en tant qu’employé
  • Le fait de conclure directement un contrat avec le prestataire individuel, soit en tant que travailleur indépendant (self-employed), soit en tant que travailleur (worker)
  • Le fait d’exiger que les prestataires passent par une agence où un autre intermédiaire lorsqu’aucune PSC n’est impliquée (à savoir, lorsque le prestataire est directement embauché par une agence ou une société de portage salarial accréditée et en situation de conformité fiscale en tant qu’employé).


Authors